samedi 25 avril 2009

Coco avant Chanel d'Anne Fontaine


Il y a moins d'un an sortait La fille de Monaco -une manière, pour Anne Fontaine, de se faire la main avant d'attaquer un projet qui lui tenait à coeur, l'adaptation de L'irrégulière, d'Edmonde Charles Roux, retraçant le passé peu connu de Gabrielle Chanel.

Peu connu et pour cause : celle que l'on appelait Mademoiselle était avare de confidences et aimait à brouiller les pistes. Orpheline -mère morte et père abandonnique-, couseuse de rien du tout, chanteuse dans un "beuglant", presque cocotte, Gabrielle Chanel l'a pourtant été. Et le très chic surnom Coco n'est autre qu'au départ un prénom de chien pour chanson gouailleuse de cabaret.

2009 est décidément une année Chanel : un téléfilm avec Shirley Mac Laine retraçant sa vie sur France 2, le film de Fontaine, mais aussi un autre imminent de Jan Kounen avec Anna Mouglalis.


Dans Coco avant Chanel, Audrey Tautou donne corps de façon plus que crédible à celle que Colette appelait "le petit taureau noir" : recueillie par Balsan (Benoît Poelvorde), un gentleman farmer qui l'a repérée alors qu'elle chantonnait dans son café, elle amuse la galerie de son anti- conformisme déjà prononcé, avant de rencontrer l'homme qui comptera parmi tous : Boy Capel.

Ce dernier la révélera à elle-même, catalyseur du génie stylistique d'une figure capitale du monde moderne -oui.

Interprétation impeccable : Tautou faite pour le rôle, Poelvorde sur la corde du bouffon sensible et qui n'est jamais mieux que dans un film "sérieux", mais aussi Marie Gillain, plantureuse à souhait dans le rôle de la vraie-fausse soeur de Coco, Emmanuelle Devos en courtisane de renom. Quelques touches humoristiques singulières qui nous rappellent qu'on est bien chez Anne Fontaine. Les moyens sont là, peut être trop car la réalisatrice, qui excelle dans l'ambiguïté malaisante (Nettoyage à sec), croule sous une couche de gros moyens et d'un personnage -et quel personnage !- qui fut réellement. Cela se ressent notamment dans la musique par trop hollywoodienne qui accompagne le spectateur par la main. Ce film porte le label qualité et comblera, notamment par sa méticulosité à l'histoire de la femme et de son oeuvre de mode, quiconque s'y intéresse un peu. Les autres seront contentés par l'efficacité formelle de l'objet filmique et l'interprétation attachante -mention vraiment spéciale à Poelvorde. Les fans d'Anne Fontaine et de son style cru, larvé, sortiront en revanche un rien frustrés.

samedi 11 avril 2009

Wendy et Lucy: un désenchantement social

Wendy et Lucy est le troisième film de la réalisatrice indépendante américaine Kelly Reichardt. Une affiche aux couleurs d'une ballade buccolique pour une histoire qui vire au noir. Wendy est une jeune voyageuse fauchée en partance pour l'Alaska avec pour seul compagnon de route sa chienne Lucy. Elle va tomber en panne dans une bourgade paumée de l'Oregon et les galères vont commencer. Elle se fait arrêter pour vol, va perdre sa chienne ...partir à sa recherche . Spectateurs, nous allons l'accompagner dans ce "road movie arreté", et finalement se prendre d'affection pour ce petit bout de femme déterminée à suivre sa route et ne pas flancher face aux difficultés.


Voilà donc un film sur la précarité aux Etats unis (les principales relations de Wendy sont également dans le dénuement).On peut déceler une des intentions de la réalistrice : faire de ce film un plaidoyer modeste pour la solidarité. Un petit film humaniste sans effet lacrymal , ancré dans une réalité sociale douloureuse . Un film qui sans nous endormir, réveille plutot chez nous une prise de conscience pour les situations de détresses sociales et humaines du quotidien.


Wendy est incarnée par la douce et touchante Michelle Williams qui a débuté dans la série à succès Dawson. On a pu la voir depuis chez Wim Wenders dans "Land of Plenty" ou encore dans "le secret de Brockeback Mountain "d'Ang Lee. Dans ce film elle se révèle trè crédible incarnant avec beaucoup de nuances un personnage laissant entrevoir ce que peuvent être le comportement et les attitudes d'une jeune "travelleuse" américaine d'aujourd'hui. On peut signaler qu'elle apparaitra dans le prochain Scorcese "shutter Island".Un avenir prometteur?


Peut on dire que kelly Reichardt réinvente le road movie? En tout cas elle adapte son sujet aux préoccupations contemporaines de la jeunesse d'aujourd'hui. Ce n'est plus tant la quete de liberté que recherche le personnage comme dans le cultissime "Easy Rider" mais un souci de préservation , une quete de la survie plutôt, un désir d'équilibre social. Il ne semble plus y avoir de place pour rêver dans cette société là. L'american way of life paraît bien loin .





Tout au long du film , Wendy fredonne un air de musique . C'est cette petite musique qui déraille qui nous séduit : Wendy et Lucy ou l'histoire d'un désenchantement social.

jeudi 9 avril 2009

A l'aventure ... oui ... sans moi *



Brisseau est à la base un bon réalisateur, avec des revendications et un discours pédagogique (eh oui, cela peut surprendre, mais le monsieur fut professeur, et quand il parle d'éducation il en parle bien, et il en parle presque tout le temps). "De bruit et de fureur", comme "Noces blanches " sont par exemple assurément des bons films.

Le père Brisseau brille aussi pour ses interrogations religieuses, mystiques. Il brille bien moins ces dernières années, que ce soit à la scène et sa trilogie féminine qui lorgne du côté de la série érotique de M6 (et je ne vous parle pas du série rose de Borowitz), du côté du porno, même; ni queue ni tête pas complètement, avec queue et toujours un peu de tête quand même, ou à la vie, quand ses castings dénudés lui valent peine de prison.

Son nouvel opus se nomme "à l'aventure", et je serai bref, comme il se doit pour un film plus mauvais que bon.

Le bon: une photographie des paysages intéressantes, quelques réflexions intéressantes, la mise en parallèle de la science avec l'ésotérisme, l'interrogation psychanalitique, un sens de l'érotisme et un questionnement de son origine qui peuvent se défendre.

Tout le reste est tout simplement indigent. A commencer par le scénario, et surtout l'ntrigue principale, d'une invraisemblance qui n'a son pareil que dans les mauvaises séries B (Barbarella, Flash Gordon; ... magnifique SF), ou bien, mais c'est là lui faire un peu trop d'honneur, du côté de "l'exorciste".

N'escomptez pas y trouver l'extase, le mysticisme de "Le Moine" de Lewis (référence à Artaud), ou encore la qualité de "La religieuse", vous y trouverez juste un simple prétexte à mettre en scène les fantasmes du gros salopiaud, des veuleries, des personnages fadasses, acteurs et actrices recrutés pour leur propension à se livrer sans dessous à la caméra, sans commune raison, plates pensées lycéennes (le programme de physique y est revisité, artifice masquant, légitimant ?).

Certes, on perçoit que Brisseau a pu être un bon cinéaste, mais il est aujourd'hui beaucoup plus proche d'un très mauvais Vadim que d'un Bresson désinspiré, avec qui bizarrement, on aurait pu faire quelques parallèles au début de sa carrière.

Le monsieur débloque selon moi.

A moins d'être voyeur, franchement, évitez ce film et n'écoutez surtout pas les critiques ridicules des inrockuptibles ou des cahiers du cinéma (comment ont-ils pu trouver ce film bon ?)




jeudi 2 avril 2009

Coup de coeur: Tokyo Sonata *****


Voici un coup de coeur bluffant. Difficile de démarrer ce billet, par où commencer ?

Par le début peut être, la fin ? Les impressions spécifiques ? L'impression générale ?
Non, démarrons par dire que nous avions laissé Tokyo vu par Gondry, Carax, ou encore Joon-Ho, des étrangers en somme. Nous étions séduits, imbibés.

Nous retrouvons maintenant Tokyo vu par un cinéaste Japonais, Jiyoshi Kurosawa.
Tokyo Sonata obtint le prix du jury de la sélection "un certain regard" à Cannes, et oui nous pouvons dire que le regard est intéressant.



Tentons l'impossible, la comparaison. Qui plus est, la comparaison osée.

Prenez Tarantino, enlevez le côté Kitano, l'action et les pan-pan, gardez l'absurde, le burlesque, le rocambolesque, tintez d'un soupçon d'Elia Suleiman, histoire de concentrer l'abracadabrant, ajoutez un soupçon de la maîtrise de l'arrêt sur image (la photographie) de Kubrik; mélangez le tout avec une réflexion bergmanienne, sur les relations familiales, la filiation, la course du temps et le sens de la vie, contez tout ceci dans une chronologie tout à la fois respectueuse mais aussi déroutante, écoutez "a day in the life" ou "paranoid android", pour vous rappeler que la construction musicale peut oser les étapes distinctes tout en assurant une continuité, la qualité; corser le tout en mélangeant les petites histoires dans la grande histoire, en dressant des portraits attachants ou rebutants, conservez cette liberté de construction, et mélangez allègrement tragédie, humour, et sensibilité; terminez votre oeuvre tel un chef: la note finale, la sonate, amère et douce tout à la fois, virtuose, vous entonne subliminalement une critique acide de la société japonaise, de Tokyo, avec un sens de l'observation et une acuité rare. Cette perle, Tokyo Sonata, surprendra alors tant dans sa peinture contemporaine, dans son surréalisme, dans sa maîtrise tout simplement.


Excellent.