dimanche 11 avril 2010

Ajami, encensé certes ... *

Caméra d'or à Cannes, nommé pour le meilleur film étranger aux Oscars, des distinctions dans de nombreux festivals; film co-réalisé par deux citoyens Israeliens, l'un juif l'autre arabe, qui reçoit de façon quasi unanime dans la presse une excellente critique, nous nous attendions à un "masterpiece", à une oeuvre emprunte d'originalité, de sensibilité, ou bien à une oeuvre choc. En sus, la production cinématographique Israelienne de ces dernières années, nous a valu quelques pépites - l'art et la réflexion étant d'autant plus utile là où le social et le politique émeuvent, théâtre majeur du schiste des religions.
Cette carte de visite finalement élogieuse peut-elle, a fortiori, influer (négativement) notre regard ? certainement.
Ajami est le nom d'un quartier de Jaffa, au sud de Tel Aviv, l'un des rares quartiers où juifs et arabes cohabitent en Israël. Scène idéale pour ce projet, dont la genèse remonte à 2002, quand Yaron Shani, Israélien, juif, rencontre Scandar Copti, citoyen d'Israel arabe de confession chrétienne et porteur de projet vidéo.Ensemble, ils décident de monter un film qui relate la cohabitation dans le territoire d'Israël, sur un mode cinéma vérité, avec des acteurs qui n'en sont pas (immense casting ayant duré plus d'un an !) et dont l'émotion ne soit pas feinte - le film est tourné de manière chronologique, pour que les acteurs découvrent le film au fur et à mesure et que les émotions soient les leurs et non celles de comédiens préparés.
La mise en scène sera pédagogique vous diront certains, calqué, imité, alambiqué vous répondrais-je.
5 chapitres convient les personnages centraux de cette histoire, noire au possible, basée sur des relations de pouvoir, le banditisme et son lot de meurtres, sur fond de conflits communautaires, de règlements de compte, de trafic de drogue. La chronologie est déroutante, les histoires s'imbriquent les unes aux autres. Cela peut fasciner, ajouter une dimension mystérieuse.
Parmi les nombreuses éloges, beaucoup se réfèrent à des analogies, les plus fréquentes étant Gomorra ou Amours Chiennes. D'un point de vue montage, la comparaison avec 21 grammes, par exemple, est aussi possible, mais ce qui innove apporte, ce qui imite déçoit, ou leurre.
En analogie avec Un Prophète, Ajami est un film basé sur une réputation, une sorte d'objet dont il semble, tant ils fédèrent, qu'ils bénéficient d'une impunité bien-pensante. Et pourtant, faut-il taire que comme pour Un prophète le film est d'une noirceur scénarisée à l'extrême, à en être caricaturale bien plus que précise, faut-il taire que le film surfe sur le créneau de la violence établie; innée, sans point de vue - ce qui n'est pas nécessairement un mal ou une finalité -  mais surtout sans profondeur.

A choisir, ne faut-il pas préférer les discours trompeurs, erronés, mais courageux, qui engagent leurs auteurs ? Ici le sujet semble finalement volontairement évité; sous prétexte de complexité, de terrain miné, et se pose alors la question de la dimension réelle de l'oeuvre ... Certainement pas politique, encore moins philosophique, absolument pas poétique, évidemment pas comique, pas franchement divertissante, peu émouvante. Non, il reste le thriller, le suspense, le drame, la violence, l'action, le prosaïsme, et peut être plus encore le jeu de cluedo, puzzle menteur pour comprendre. Avec la grille de critique qu'il convient d'appliquer à cette catégorie, Ajami est certainement honorable, mais vous l'aurez compris, ce billet aurait souhaité que la grille à appliquer fusse différente. On m'aurait menti ...

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