
Pourtant cette histoire d'amour a bien commencé et est filmé par Scorcese comme une leçon de cinéma. C'est en lui parlant de La prisonnière du désert de John Ford que Jr séduit cette jeune femme. A la manière d'un Truffaut pour exprimer la singularité de son cinéma , chez Scorcese on parle des films qu'on aime. Puis viennent les "scènes de lit" dans une chambre très pieuse qui renvoient à une scène très proche de Raging bull (entre De Niro et une jeune femme ) qui fut tournée dans la chambre même de la mère de Scorcese. Dans tous ces films les histoires entre homme et femme finissent mal en général : le couple déchiré de Raging bull ou de Casino. Dans ce film la violence n'est pas encore paroxystique entre les personnages . Pas encore de Joe Pesci pour incarner la violence même si la scène inaugurale, scène de bagarre présage la violence à venir dans les prochains films . La violence donc moins présente et surtout une bande de copains qui traînent qui boivent et qui emballent les filles à l'image des Vitelloni de Fellini autre référence pour cet italo-américain qu'est Scorcese.
C'est le Scorcese débutant qu'on aime dans ce film qui tente des choses visuellement et qui marque de son sceau la pellicule. On le regarde travailler la matière cinématographique et inventer. On retrouve son style : les arrêts sur image, les ralentis qui subliment le quotidien, les inserts d'images de cinéma expression d'un certain chaos mental du héros. Ruptures pour interpeller le spectateur , qui rappellent le Godard d'A bout de souffle. On retrouve aussi une bande son rock genre de musique qui accompagnera quasiment tous ses films .
On aime encore le cinéaste débutant pour l'intimité qu'il crée dans les scènes et qu'il continuera d'exprimer dans Mean streets. Son cinéma est plus insouciant et moins démesuré que les films qui suivront. Il y a une sorte d'innocence à l'image du visage encore juvénile d'Harvey Keitel. L'utilisation du noir et blanc donne au film un aspect proche du documentaire d'autant plus quand on voit que le film constitue aussi un document sur Scorcese lui même. On ne peut éluder la part autobiographique très forte du film : les scènes à l'église pour celui qui dit avoir hésité entre une carrière de prêtre ou de cinéaste.
Des scènes de nus, fantasmes d'Harvey Keitel apparaissent dans le film, rarissime dans le cinéma scorcésien. On sent bien que ce film est à la fois fondateur de son oeuvre et à part dans ce qu'il ose montrer. Who's that knocking at my door ou les débuts d'un grand cinéaste.
