samedi 5 septembre 2009

Un prophète * de Jacques Audiard : descendons

Il m'en vient à comparer "Un prophète" d'Audiard avec l'Alchimiste de Cuehlo, quand plus logiquement j'eus du m'en référer au Prophète de Gibran. Le "prophète" d'Audiard et "l'alchimiste" bénéficient tous deux d'une critique dithyrambique, pour ne pas dire conciliante. Est-ce un sacrilège que d'oser émettre un avis contraire jusqu'à remettre en cause la qualité même de l'une et l'autre oeuvre ?
En tout cas, ce ne puit être une prophétie, puisque le succès d'estime apparaît trivial.

Le meilleur film de la croisette, entends-je ici, livre magnifique, plein de sagesse, d'apprentissage lis-je là, acteur magnifique entends-je encore.

La comparaison est bel(le)et bien douteuse, n'en doutez pas, les deux oeuvres n'ont de semblable que l'accueil critique qu'elles reçoivent, tandis que l'un s'apparente à un conte enfantin simpliste et naïf; l'autre ressemble bien plus à un sinistre pamphlet abracadabrant. Livrons-nous à un réquisitoire qui laissera insensible les seuls non amateurs, et n'épargnera par contre pas les retranchés, les éperdus aficionados du nom Audiard, car je suppose que la filiation avec le parolier des tontons flingueurs joue pour beaucoup dans la notoriété de son fils, même si évidemment la critique l'attendait au virage. Bon, évidemment l'exagération discrédite quelque peu le propos, et le radicalisme mais aussi la simplicité du raisonnement invitent à se retrancher bien plus encore derrière cette certitude que Jacques Audiard est un grand.

Seulement, je veux ici justement démontrer que "Un prophète", adaptation de "Le prophète" d'Abdel Raouf Dafri, use lui aussi de procédés tout aussi malhonnêtes, à commencer par cette prison, lieu et thème, montée de toute pièce pour l'occasion.

Le film prend ensuite le parti du sérieux. Et sérieusement il ennuie dés le départ.

Ce film souffre d'un manque de nuance flagrant. Tout y est grossier, les grosses ficelles se succèdent les unes aux autres. Nous sommes otages. Le scénario alambiqué ne charme nullement. Audiard a sans aucun doute de quoi être infatué tant la critique est unanime envers lui, et univoque.
Tel Patrick Juvet je me demande où sont les femmes. Absence de passions, de sentiment même. Alors on se dit que le film porte à réflexion. Touché couché, point nenni ...
Je résume: Le méchant arabe va en prison mais on est pas sur qu'il est si méchant, et un méchant corse qui sait tout façon président super star, (mais il n'a donc rien d'autre à faire que de savoir ?) lui dit de tuer un méchant arabe sinon il le tue. Il est très très méchant, et faut pas qu'on le regarde quand il parle. En échange il va le protéger notre méchant qu'on croit gentil et l'embrigader dans son gang. Une fois dans son gang, on voit bien qui est le chef, mais le petit chef aimerait bien devenir chef de gang aussi. La guerre des corses et des arabes aura-t-elle lieu ? Mince alors, un corse traficote avec les italiens, et le trafic de cannabis organisé par les arabes pose souci à notre méchant héros qui ressemble à Debouze de visage. Le petit chef trahira le grand chef, histoire de lui montrer que le renouvellement des générations n'attend pas le papy-boom.
Quand je vous dis que le scénario étourdit ...

Bref, digne de Mesrine ce synopsis.
Audiard cite ici "Scarface" en contre référence, ou encore "Le parrain" en modèle. Il avoue son background limité sur les films du genre, "un condamné à mort" s'est échappé (dommage que l'on ne puisse vraiment pas faire la comparaison), les signés Giovanni dont il souligne l'éloignement, et dit encore ne pas connaître des séries américaines dont le nom n'est pas pourtant pas forcément connu du plus grand nombre.

Taisons la violence, elle est tout aussi choc que particulièrement inutile, en ce qu'elle n'est pas le véritable sujet.

Alors il peut rester la qualité esthétique. Où est elle ? Dans la couleur marron du sang peut être, c'est ma foi mieux que le rouge vif d'Argento. Plus sérieusement, les portraits sont quand même assez saisissants, notamment ceux d'Arestrup.


Quant au sujet, est-il finalement l'incarcération ? Doutons-en.

On nous dira que le film réinvente le genre, que le jeu des acteurs, bien plus Rahim le bleuet qu'Arestrup le vétéran, finalement peu cité, resplendit.

Oui, mais non.
Ceci est bien entendu subjectif, et disons-le quand même; ce billet se veut très subjectif lui aussi et est certainement teinté d'une part de mauvaise foi consécutive de la simple déception que fut la mienne face à ce Grand prix du Jury Cannois, ma foi, fort austère.

Le film plaît aux critiques, il plaira bien entendu à d'autres, mais vous l'aurez compris, je ne suis pas.

Un Prophète : Bande-annonce (VF)

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