mardi 19 janvier 2010

Mr Nobody *****

Au bon souvenir de Jaco Van Dormael. En contraste avec d'autres réalisateurs qui ne se font pas rares, Jaco Van Dormael n'était pas réapparu sur grand écran depuis "le huitième jour", portrait humaniste et tendre qui contait l'amitié entre Daniel Auteuil et Pascal Duquenne, trisomique acteur, nous étions en 1996. Tous deux étaient récompensés du prix d'interprétation à Cannes.
Jaco Van Dormael, c'est aussi et bien sûr "Toto le héros", formidable récit, où la tendresse, la nostalgie, les facéties tout aussi bien du jeune Toto que du même Toto, plus agé, extraordinaire Michel Bouquet, ne pouvaient que difficilement laissé insensible, surtout que la marque de fabrique est l'imaginaire, voire l'onirisme.
Oh il y a bien eu le clip de Ladyboy pour Indochine, mais cela ne compte pas vraiment ...
Jaco Van Dormael revient donc en 2010, avec un projet mégalo, avec un budget conséquent, dans un film qu'il a mis plus de 7 ans à écrire, et dont il a léché absolument tous les plans.
Géniale mise en scène, qui ose des prises de vues très novatrices, pour conter un récit qui veut montrer la complexité des choses, la complexité des destins, la complexité de l'amour; la complexité de la science et des inconnus, autour de la zone d'ombre, trou noir, de la réunion de la mécanique quantique avec la théorie de la relativité générale; la théorie des cordes qui ouvre la porte de la réversibilité du temps, de la multiplication des dimensions temporelles.
Au départ, un enfant doit choisir entre son père et sa mère, qui se déchirent. au départ, mais aussi en fin. Le destin sera différent s'il prend le train où ne le prend pas, tout comme il sera différent s'il choisit de vivre son amour, de vivre par amour, de vivre aimé, ou de vivre amoureux perdu.
L'amour encore et toujours, qui d'un pari adolescent mène à Mars, après hibernation. Le décor devient futuriste, les moyens sont d'importances, les trouvailles curieuses et sympathiques. D'aucuns ne diront que cela a déjà été fait, peut être, mais dans des oeuvres de seconde zone; ici, l'univers d'un Gondry par exemple n'est pas imité, il est outrepassé, relégué à ses études; le bric à brac inventif frise parfois le génie; les effets visuels irradient, et Clouzot s'il était venu au bout de son "enfer" ne l'aurait pas renié, au contraire de Chabrol qui refuse la sophistication.
Ce film ne se raconte pas, il se rêve; vos paupières sont lourdes, lourdes, et Mr Nobody va vous faire voyager parmi ses souvenirs, rêveries et autres incertitudes. Il sera le dernier être humain à mourir, le dernier être humain à conter l'amour.
L'onirisme permanent se ressent dés le départ, et ne vous quitte pas, le récit est celui de quelqu'un qui aime à la folie, qui confond, qui se raccroche au signe. La déconstruction totale du récit est un autre coup de maître, là ou Lynch pourtant précurseur se leurrait dans le patchwork (inland empire) à nous confondre, Van Dormael réussit ce pari assez fou de déplacer son récit dans tous les sens, de le reprendre en permanence là où il ne l'avait pas laissé. Le montage est proprement sidérant.

Il reste à commenter les acteurs, à commencer par Jared Leto, retenu pour ses qualités de transformiste. Voilà une dimension supplémentaire, à un film qui n'en manque pas. Il excelle disons le, son faciès sied à merveille à ce personnage de Mr nobody, personne et tout le monde à la fois.
Les personnages féminins ne sont pas en reste, 3 femmes pour 2 partitions riches (Diane Kruger, Sarah Polley) et une plus en retrait (Linh Dan Pham).
Les adolescents et enfants y sont très touchants, car c'est là l'une des caractéristiques principales de Van Dormael, il parvient là où peu se risquent, à nous émouvoir, à nous toucher très sensiblement, à force de positivisme, de tendresse, de rêve, d'humour léger, d'amour disons le (eh oui c'est un romantique patenté); et c'est là un exercice de style extrêmement difficile.
Une bonne partie de la critique s'est agacée de l'ambition montrée par Von Dormael sur ce film; cette distance qu'il prend par rapport au métier déplait, surtout que son arrogance va jusqu'à glisser dans son film que le cinéma français se complaît dans l'inaction et la lenteur; lui préfère la musique omni-présente, et son frère lui offre ici une bande originale très appropriée, entre référence nostalgique et air mélancolique au piano.
Cette oeuvre ne plaira pas à tous, elle a de quoi déranger, le rêve proposé ne parlera pas à tout à chacun, Van Dormael s'est exposé à trop se cacher; a pris des risques, et son film dont il dit lui même que c'est un film sur le doute mais qu'il en doute, a réellement de quoi devenir culte, à classer dans les incompris.
Maintenant, cela n'empêchera jamais que beaucoup préfèreront que les hauts budgets soient utilisés à la Cameron ...



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