lundi 18 janvier 2010

Agora d'Alejandro Amenabar ***



IVème siècle après Jésus-Christ. L'Egypte est sous domination romaine. A Alexandrie, la révolte des Chrétiens gronde. Réfugiée dans la grande Bibliothèque, désormais menacée par la colère des insurgés, la brillante philosophe-astronome Hypatie tente de préserver les connaissances accumulées depuis des siècles, avec l'aide de ses disciples.
Parmi eux, deux hommes se disputent l'amour d'Hypatie : Oreste et le jeune esclave Davus, déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il accepte de rejoindre les Chrétiens, de plus en plus puissants...




Nicole Kidman a refusé d'incarner le rôle d'Hypathie, source de controverses, et c'est tant mieux car nous ne perdons pas au change, au contraire : la sublime Rachel Weisz (The constant gardener) incarne la philosophe, personnage central et clé de ce péplum-qui-n'en-est-pas-vraiment-un.
Amenabar, réalisateur d'origine espagnole est connu pour ses films glaçants Ouvre les yeux et Les autres. Il passe à un autre style de film sans s'y casser les dents et prouve qu'un film d'auteur à grand (très grand) budget peut encore exister. Les scène d'actions sont novatrices et parfaitement maîtrisées, la reconstitution impeccable, les scène intimes sont aussi bien tournées et fortes que les scènes d'actions et des plans intriguant et audacieux viennent nous rappeler qu'il s'agit d'un film fait par un artiste et non par un technicien au service d'Hollywood.
Le personnage d'Hypathie, figure centrale de l'intrigue, jeune femme de génie sourde aux bassesses humaines, éprise de science et de quête de vérité, accroche et fascine le spectateur autant qu'elle déchaîne les passions. Elle s'affirme comme un esprit avant d'être une femme -enfermée dans son inflexible ascèse- et refusant l'amour de son disciple et de son esclave, elle devient femme d'influence, femme politique, symbole d'un monde à détruire pour ses détracteurs. En somme, elle bouleverse autant qu'elle dérange. Présence charismatique et interprétation impeccable de Rachel Weisz qui trouve ici écrin à son talent après des débuts difficiles -La momie.



Autour d'elle, les intellectuels et cinéphiles découvriront avec surprise Michael Lonsdale (oui celui des films de Marguerite Duras ou de La question humaine) mais aussi des visages familiers tels que celui du très mignon Max Minghella (Art School Confidential) ou celui du terrifiant Ashraf Barhom (La fiancée syrienne, Paradise now).

Agora peut être un film très dérangeant pour le spectateur croyant -un film certainement plus scandaleux en Espagne ou aux États Unis qu'au pays de Voltaire. Car le réalisateur se place ostensiblement du côté de son héroïne, qui ne croit qu'en la science, et montre un visage barbare et dangereux des religions -quelles qu'elles soient. L'épilogue, fondé sur des réalités historiques, montre un visage peu avenant de la religion chrétienne.
Difficile aussi de ne pas établir un parallèle évident avec le monde actuel, là où tant de guerres ou d'actes sanglants ont été provoqués avec, pour otage ou prétexte, la Vérité et la Volonté Divine, prétexte aux manipulations et oppressions politiques, aux injustices, aux bains de sang.



Site officiel du film : http://agorathemovie.com/

1 commentaire:

Fred a dit…

Très bel article. Mademoiselle, la forme classique vous sied parfaitement.